Les deux premières années de l’administration Trudeau : le bilan du Parti vert

Le gouvernement du très honorable Justin Trudeau a été assermenté le 4 novembre 2015. À l’occasion du deuxième anniversaire de l’administration Trudeau, le Parti vert du Canada fait un bilan de ses résultats jusqu’ici.

L’évaluation d’un nouveau gouvernement commence par l’établissement du contexte. Le comparer au dossier du précédent gouvernement mettrait la barre beaucoup trop basse. Bien évidemment, le Parti vert n’a jamais évalué l’administration Harper. Pourquoi le faire, puisqu’une série de constats d’échecs n’aurait été d’aucune utilité. Nous avons préféré surveiller, alerter l’opinion et presser les Canadiens de réagir.

La présente administration affichait un bon potentiel. En ce deuxième anniversaire, il apparaît de plus en plus clair qu’une grande partie de ce potentiel ne sera jamais réalisé.

Pour mesurer la performance de l’administration Trudeau, nous nous référons aux promesses contenues dans le programme électoral libéral et au discours du Trône.

Devant l’accumulation de promesses brisées, de celles à moitié tenues et de demi-mesures que nous constatons, nous en concluons qu’un redressement s’impose.

  1. Démocratie : F

L’importante promesse de réformer le système électoral a connu une fin abrupte et soudaine le 1er février 2017. Les travaux considérables du Comité spécial sur la réforme électorale ont été mis au placard sans que nous sachions s’ils ont même été consultés ou examinés. Les audiences tenues par ce comité partout au Canada ont attiré des milliers de personnes et les nombreux mémoires publiés en ligne ont capté une énorme attention. La vaste majorité de ces mémoires préconisait la représentation proportionnelle.

En rompant la promesse que les élections de 2015 seraient les dernières tenues sous notre système de scrutin majoritaire uninominal à un tour, le gouvernement libéral a trahi la confiance de millions de Canadiens.

  1. Cimat : C-

Le leadership affiché à la COP21 de Paris et la ratification rapide de l’Accord de Paris garantissait une note élevée. L’engagement à l’égard de la tarification du carbone, malgré une certaine résistance des provinces, nous emmène à la note ci-dessus.

Mais il est difficile de bien évaluer un gouvernement qui maintient les mêmes faibles cibles climatiques que le précédent gouvernement conservateur. Cette cible – 30 % sous les niveaux de 2005 d’ici à 2030 – est irréconciliable avec l’Accord de Paris. L’Accord de Paris a fixé l’objectif de limiter la hausse des températures moyennes mondiales à 1,5 oC tout au plus, ce qui exige une cible bien plus exigeante que celle établie par le gouvernement Harper. De plus, comme l’a judicieusement remarqué Julie Gelfand, commissaire à l’environnement du Bureau du vérificateur général, les Libéraux semblent avoir oublié l’engagement de Copenhague – soit une réduction de 17 % sous les niveaux de 2005 d’ici à 2020. Les plans ont tous été conçus pour atteindre la faible cible du gouvernement Harper en 2030, et même cette cible semble hors d’atteinte.

Le programme libéral avait promis de mettre fin aux subventions accordées pour les combustibles fossiles, mais les budgets de 2016 et de 2017 n’ont annoncé aucune mesure du genre. Les Libéraux avaient également promis le rétablissement d’une approche scientifique, mais la science du climat est aussi négligée qu’elle l’a été durant l’ère Harper. Le manque du soutien du gouvernement a provoqué la disparition du réseau pancanadien de la science du climat, le Forum canadien du climat.

Devant l’approbation de projets de gaz naturel liquéfié qui font monter les GES, et la choquante approbation de Kinder Morgan, au mépris de ses promesses électorales, il est difficile d’admettre que les Libéraux croient vraiment que « l’environnement et l’économie vont de pair », comme ils se plaisent à le dire. Cette affirmation est pourtant vraie, mais seulement lorsque les décisions ne s’annulent pas les unes les autres.

  1. Législation environnementale : D

Redonner à la législation environnementale sa substance d’avant les projets de lois omnibus C-38 et C-45 de 2012 aurait dû être fait avec la plus grande diligence. Mais les versions affaiblies de la Loi sur les pêches, de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale et de la Loi sur la protection des eaux navigables (LPEN) sont encore en vigueur aujourd’hui. Plus le temps passe, plus il est possible qu’elle reste toujours en vigueur.

Le document de travail publié à la fin de juin a établi la direction à suivre par le gouvernement, après les comités d’experts qui se sont penchés sur l’Office national de l’énergie, les évaluations environnementales, et les examens de la Loi sur les pêches et de la LPEN effectués par des comités parlementaires. Les avis des comités d’experts semblent avoir été écartés du revers de la main. Il semble que seule la Loi sur les pêches pourrait être corrigée. La version Harper de la LPEN sera probablement coulée dans le béton. Les évaluations environnementales seront améliorées si on les compare à celles qui ont été héritées de cette époque, mais elles ne seront qu’une pâle imitation des évaluations menées au Canada depuis les années 1970 et à des lieues de celles qui existaient en 2006. Le nombre de projets examinés restera extrêmement réduit par rapport au nombre qui avait cours avant la loi adoptée par le gouvernement Harper, et les examens relèveront encore d’organismes mal adaptés – l’Office national de l’énergie, la Commission canadienne de sûreté nucléaire et les offices d’hydrocarbures extracôtiers de l’Atlantique.

  1. Finances : C

Le budget fédéral de 2017 contenait un peu de tout. Le gouvernement a donné suite partiellement à ses promesses électorales en prenant des engagements à l’égard des Autochtones, du logement, des transports collectifs, des systèmes de traitement de l'eau potable et des eaux usées, en consentant des allègements pour les prêts étudiants et en prévoyant des fonds pour les aires marines protégées. Le budget a cependant été décevant sur le plan de l’action climat.

Comme l’a souligné le directeur parlementaire du budget, il n’a pas fait preuve de transparence financière. Par ailleurs, à moins d’une correction dans le budget de 2018, si le gouvernement maintient les subventions pour le gaz naturel liquéfié jusqu’à la fin de 2024, il aura brisé une promesse électorale. Nous avons loué le gouvernement pour certaines mesures dans le domaine du climat, mais les infrastructures peu polluantes promises ont été remises à plus tard. Et nous attendons encore des programmes pour promouvoir l’efficacité énergétique.

Tout cela sur fond de déficit budgétaire de 20 milliards de dollars, même si l’Énoncé économique de l’automne 2017 nous réservait de bonnes nouvelles sur le plan économique. Nous devons augmenter les revenus de toute urgence pour répondre aux besoins publics. Les Libéraux doivent réexaminer leur refus de majorer le taux d’imposition des grandes multinationales rentables.

  1. Immigration : B+

L’administration Trudeau a accompli du bon travail en atteignant son objectif de faire venir 25 000 réfugiés syriens au Canada. Il faut cependant faire beaucoup plus pour aider les réfugiés à s’installer dans un nouveau logement. La règle voulant qu’après 12 mois, la collecte de fonds locale ne soit plus autorisée pour aider les familles confrontées à des coûts comme ceux du logement est beaucoup trop rigide.

Nous espérons que le Canada autorisera la venue d’un nombre accru de réfugiés en 2018. La révocation d’une grande partie des mesures prises par le gouvernement Harper pour affaiblir les principes fondamentaux de la citoyenneté dans la loi C-24 justifie également la note ci-dessus.

  1. Santé : B

L’ancienne ministre de la Santé, Jane Philpott, était une ministre forte. L’honorable Ginette Petitpas-Taylor, qui lui a succédé, aura un grand défi à relever.

Elle devra réorienter Santé Canada afin de favoriser une alimentation saine plutôt que les bénéfices des grandes sociétés, prendre des mesures pour protéger la santé humaine et l’environnement des impacts des pesticides nocifs et appuyer un dépistage plus rigoureux des drogues – ce qui exigera une volonté politique solide dans un ministère favorable à la grande entreprise.

En rétrospective, la stratégie fédérale des deux dernières années à l’endroit de la maladie de Lyme a été décevante et à peine suffisante pour mériter notre appui. Des fonds doivent y être consacrés et il faut aussi déployer des efforts dignes de ce nom pour améliorer l’éducation des médecins en matière de diagnostic et de traitement de la maladie de Lyme, conformément à l’objectif adopté.

La lettre de mandat de la ministre stipule que des achats de produits pharmaceutiques en gros doivent être faits pour obtenir de meilleurs prix. Ce serait beaucoup mieux d’établir un plan d’assurance-médicaments.

  1. Politique étrangère : C

On pourrait croire que notre ministre des Affaires étrangères n’a jamais renoncé à son portefeuille du Commerce international. L’accent mis sur le président Trump et l’ALÉNA a peut-être distrait le Canada des enjeux mondiaux cruciaux. Le Canada devra adopter une position beaucoup plus forte à l’échelle internationale afin d’appuyer les objectifs mondiaux pour le développement durable de l’ONU lorsqu’il présidera le G7.

En outre, nous avons été troublés par le soutien affiché par les Libéraux du gouvernement Trudeau à la vente d’armements à des pays connus pour leur appui douteux aux droits de la personne. Nous déplorons également l’inaction du gouvernement pour corriger les échappatoires de la loi pour l’adhésion au traité sur le commerce des armes conventionnelles, son manque d’engagement dans le maintien de la paix et son défaut d’adhérer au traité sur l’interdiction des armes nucléaires et de signer ce traité.

  1. Commerce : C-

Le commerce occupe l’avant-plan alors que la ministre Chrystia Freeland s’efforce de protéger l’ALÉNA et que le ministre du Commerce international, François-Philippe Champagne, exerce des pressions pour la mise en œuvre de l’Accord économique et commercial global (AÉCG ou CETA). Plutôt que les consultations promises, nous avons eu droit à des exercices papier et l’examen environnemental des changements proposés à l’ALÉNA s’est avéré sans substance. Les principales menaces à l’environnement et à la santé dans ces ententes (et dans l’Accord du Partenariat transpacifique (TPP), que les Libéraux semblent vouloir relancer) sont les dispositions relatives aux rapports entre les investisseurs et les États.

Les Canadiens n’ont jamais eu droit à un débat approfondi sur les divers accords qui accroissent le pouvoir des grandes sociétés au détriment des règlements nationaux sur l’environnement et la santé. Toutes les dispositions relatives aux rapports entre les investisseurs et les États doivent être examinées et évaluées avant d’en signer de nouvelles. Le chapitre 11 de l’ALÉNA nous a coûté des millions et des millions de dollars et a réduit nos mesures de protection environnementale. Comme c’est un secret, nous ne savons pas encore quel a été l’impact jusqu’ici de l'Accord sur la promotion et la protection des investissements (APIE) Canada-Chine sur nos lois. L’AECG et le TPP accroissent le nombre de pays dont les sociétés étrangères auront le droit de soumettre à l’arbitrage des demandes d’indemnité financière – de façon plus ou moins transparente.

Les Verts continueront de s’opposer à ces ententes qui élargissent le pouvoir corporatif et réduisent la souveraineté nationale. Nous saluons le nouveau ministre qui a décidé que le Canada irait en appel contre la décision d’arbitrage antidémocratique qui a donné raison à Bilcon, une société américaine, en vertu du chapitre 11 de l'ALÉNA.

  1. Justice pour les peuples autochtones – Premières Nations, Métis et Inuits : Incomplet

La nouvelle démarche consistant à scinder en deux le ministère des Affaires autochtones et de Développement du Nord et à confier ces portefeuilles à deux ministres forts pourrait mener à de bons résultats. Il est trop tôt pour le savoir.

Notre histoire est jalonnée d’innombrables efforts en vain et promesses rompues. Nous n investissons pas équitablement dans les besoins fondamentaux des enfants autochtones par rapport aux enfants non autochtones. Les avis d’ébullition d’eau sont trop nombreux, trop de logements sont insalubres dans les réserves et trop peu de logements sont accessibles aux Autochtones qui vivent hors des réserves. Le défi d’entamer une véritable réconciliation et de mettre en œuvre le rapport de la Commission de vérité et réconciliation doit être relevé de toute urgence.

Il est grand temps d’abroger la Loi sur les Indiens. Cette loi raciste et discriminatoire a déjà provoqué 150 ans de colonialisme et d’oppression.

  1. Justice : C

Il faudra encore de nombreuses mesures pour effacer les dommages causés au système de justice pénale du Canada durant l’ère Harper. La législation établissant des sentences minimales obligatoires doit être examinée et abrogée; la justice réparatrice doit être mise en œuvre et la ministre doit agir pour respecter les engagements de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

  1. Pêches : D

L’intégrité de la Loi sur les pêches ne sera pas rétablie tant que les dispositions sur la protection de l’habitat du poisson n’auront pas été réintégrées. Néanmoins, le ministre Dominic Leblanc s’est engagé à rétablir la protection des habitats et à engager de nouveaux scientifiques dans le domaine des pêches. Les efforts déployés récemment afin de protéger les baleines sur les côtes de l’Atlantique et du Pacifique ont aussi justifié une meilleure note. Des nouvelles modifications à la Loi sur les océans (C-55) sont nécessaires, mais globalement, cette loi est la bienvenue.

Le gouvernement n’a pas encore donné suite à sa promesse de mettre en œuvre les recommandations de la Commission Cohen sur les mesures de contrôle de l’aquaculture.

  1. Sciences : C+

Les scientifiques ne sont plus muselés et la ministre Kirsty Duncan a réussi à accroître les fonds pour la recherche fondamentale provenant des organismes de subvention et a également nommé Noma Nemer au poste de conseillère en chef scientifique pour le Canada. Voilà pour les bonnes nouvelles.

Malheureusement, le gouvernement n’a pas encore restauré la capacité scientifique fondamentale des ministères clés axés sur les sciences. Pêches et Océans, Parcs Canada, Environnement et Changement climatique n’ont pas reçu de fonds pour engager les scientifiques requis afin de doter la fonction publique d’un effectif scientifique de base.

  1. Agriculture : D

Des consultations sont en cours sur la politique alimentaire, sans indication de dates limites ou de plans pour donner suite. Presque rien n’avait été prévu en matière d’agriculture dans le programme électoral. Nous espérons que le gouvernement Trudeau décidera de s’attaquer aux enjeux de l’aide aux familles d’agriculteurs, à l’agriculture locale et à la sécurité alimentaire.

  1. Transports : F

Lorsque Justin Trudeau a nommé Marc Garneau au ministère des Transports, il l’a chargé d’examiner les modifications apportées par le gouvernement antérieur à la Loi sur la protection des eaux navigables et de rétablir les mesures de protection abandonnées.

Cette tâche ne semble pas au goût de Transports Canada. De hauts fonctionnaires de ce ministère ont affirmé au Comité permanent des transports que l’approche de Harper, somme toute une liste regroupant une poignée de cours d’eau sur les millions du pays, n’a pas besoin d’être améliorée. Pour sa part, Marc Garneau semble prêt à oublier la promesse faite par les Libéraux de réparer ce qui a été brisé par Harper.

Il ne semble pas non plus que Transports Canada veuille adopter des règlements pertinents et des distances de recul pour les méthaniers et les tracés proposés. Le projet de gaz naturel liquéfié de Squamish (C.-B.) n’aurait jamais dû être approuvé sans un cadre réglementaire clair sur les distances de recul pour les méthaniers.

Transports Canada semble aussi se préparer à sabrer son soutien au service passagers pancanadien de VIA Rail.

  1. Sécurité publique : B-

Le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, en collaboration avec la ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, ont prévu des améliorations considérables au cadre de renseignement et de sécurité nationale dans le projet de loi C-59. Ces efforts réduisent sensiblement les facettes les plus antidémocratiques du projet de loi C-51 du régime Harper. Les bizarres interdictions de promotion du « terrorisme en général » sur Internet ont été éliminées. Tous les organismes de renseignement canadiens seront dorénavant sous la surveillance d’un organisme de sécurité renouvelé.

Par contre, certains éléments du projet de loi C-59 manquent complètement la cible. Le partage d’information est un désastre et les listes des passagers interdits de vol nécessitent des améliorations en profondeur. Des amendements importants devront être apportés. Dans l’espoir que ce sera fait, le Parti vert accorde une note généreuse.

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