Je serai ici, à Varsovie, au cours des sept prochains jours pour le « débat de haut niveau » de la 19e Conférence des Parties de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Ces débats ne sont pas de « haut niveau » dans le discours, mais parce que c’est l’étape de la conférence où les ministres participent aux discussions au nom de leur gouvernement. La semaine dernière, comme le veut la tradition de la Conférence des Parties, les négociations étaient menées par des fonctionnaires. Demain, notre toute nouvelle ministre de l’Environnement, Leona Aglukkaq, dirigera vraisemblablement les négociations canadiennes.
Le gouvernement Harper poursuit cette pratique épouvantable d’envoyer les délégués aux rencontres internationales pour représenter le Parti conservateur du Canada. Pas le Canada. Seulement Jim Prentice, pendant qu’il était ministre de l’Environnement, avait choisi des députés de l’opposition dans sa délégation, comme le faisaient ses prédécesseurs. À l’exception de la ministre Aglukkaq, je suis, semble-t-il, la seule parlementaire canadienne ici à Varsovie. Mon voyage en Pologne a été payé par le Parti vert du Canada, et je recevrai mon accréditation de l'ONU grâce aux Verts mondiaux. Il y a possibilité qu’une délégation autre que celle du Canada fasse appel à mon expertise dans le domaine du réchauffement climatique, ce que j’espère. Si je peux me joindre à l’une de ces délégations pendant que je suis ici, je serai en mesure de participer à toutes les négociations, et non pas seulement aux assemblées plénières.
Les attentes pour des avancées pendant cette Conférence des Parties sont faibles. Ce type de négociations fonctionne avec un échéancier. Étant donné que la conférence de 2009 à Copenhague a été un désastre, la nouvelle date limite est maintenant la 21e session de la Conférence des Parties, qui aura lieu à Paris en 2015. Mais le travail effectué d’ici 2015 aura des répercussions seulement si les gouvernements de partout dans le monde sont vraiment prêts à réduire les émissions de GES; et cela est loin de la réalité actuelle.
Les chiffres d’Environnement Canada du début du mois indiquent que nous sommes en retard par rapport aux cibles établies à Copenhague – des cibles déjà rejetées par les scientifiques du climat parce que beaucoup trop faibles pour éviter un réchauffement planétaire de 2 degrés Celcius, cible hautement significative adoptée à Copenhague. Stephen Harper s’était engagé à 607 MT d’émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020. En 2012, Environnement Canada affirmait que les émissions du Canada seraient de 720 MT. Les prévisions actuelles font état de 734 MT. L’argument des conservateurs consiste à utiliser le chiffre inventé l’an dernier (plus de 800 MT en qualifiant le tout d’« affaires courantes » ou scénario du laisser-aller complet) et à le convertir pour affirmer par la suite : « voilà ce qui arriverait sous les Libéraux ». Les Conservateurs n’éprouvent vraiment jamais de honte.
Dans ce contexte de faibles attentes lors de l'ouverture de la Conférence des Parties, un appel a été lancé par le négociateur en chef des Philippines, Yeb Sano :
« Ce que les gens de mon pays vivent à la suite du passage du typhon Haiyan, un événement climatique extrême, est insensé. La crise climatique est insensée. Nous avons le pouvoir de mettre fin à cette crise, ici à Varsovie. Des typhons comme Haiyan et ses impacts représentent un triste rappel à la communauté internationale que nous ne pouvons pas nous permettre de tergiverser à propos de mesures à prendre pour contrer le réchauffement climatique. »
Yeb Sano a annoncé qu'il allait entamer une grève de la faim pour toute la durée de la conférence. Moi-même et beaucoup d'autres participants jeûnons avec lui. L’envoi de courriels à la Conférence des Parties qui proposent « de déjeuner ensemble » est ponctué de l’ajout « même si vous jeûnez, joignez-vous à nous pour discuter… »
Je vais essayer d'alimenter mon blogue chaque jour pour vous tenir au courant.
Ce que je voulais écrire aujourd'hui, c'est que les scientifiques du monde entier commencent à abandonner tout espoir de mesures suffisantes de la part des politiciens pour éviter des niveaux très dangereux de perturbation climatique. Les scientifiques commencent à faire du triage - qui peut être sauvé? Quelles parties du monde seront habitables? Pouvons-nous nous adapter aux perturbations climatiques en fonction de parties du monde qui seront inhabitables?
Les gens les plus conscients de la menace des changements climatiques – les citoyens et les activistes – commencent à penser que nous trompons les autres si nous continuons à envisager d’éviter une augmentation moyenne de 2 degrés. Ces gens parlent ainsi, sachant que nous courrons un risque inacceptable de détruire la civilisation mondiale si l’augmentation du climat dépasse 2 degrés. Au-dessus de 2 degrés, la société humaine jouera de plus en plus à la roulette russe en franchissant le point de non-retour du réchauffement climatique.
L’avertissement suivant est tiré d’un résumé publié le 16 novembre à Varsovie sur le réseau Climate News Network :
« Les organes des Nations Unies et les autorités de la santé ont été avisés de se préparer pour une augmentation mondiale de la température de 4 degrés Celcius parce que les scientifiques croient que les politiciens sont incapables de maintenir cette augmentation en dessous de la limite acceptée à l’échelle internationale de 2 degrés par rapport aux niveaux de l’ère préindustrielle. »
Dans ce document, le spécialiste du climat et professeur à la University College de Londres, Mark Maslin, affirme ce qui suit :
« Nous projetons déjà une augmentation de 4 degrés Celcius à l’échelle de la planète puisque c’est la direction que nous prenons. Je ne connais pas de scientifiques qui ne croient pas cela. Nous ne nous attaquons tout simplement pas à la tâche immense que nous avons de maintenir l’augmentation en dessous du seuil limite de ce que nous avions convenu, c’est-à-dire 2 degrés Celcius.
« Si nous avions le type de politiciens dont nous avons réellement besoin, nous pourrions encore mettre en place des politiques qui pourraient sauver la planète du seuil limite. Rien ne nous montre à l’heure actuelle que nous avons ce type de politiciens, ce qui nous oblige à nous préparer au scénario le plus probable, c’est-à-dire une augmentation de la température de 4 degrés Celcius. Si nous ne nous préparons pas à nous adapter, nous ne serons tout simplement pas capables de le faire. » (Mise en relief ajoutée)
La clé pour rester en dessous d’une augmentation de la température moyenne de 2 degrés consiste à insister pour que ces mêmes politiciens qui s’étaient dérobés à Copenhague soient à la hauteur des attentes.
Nous savons que les niveaux actuels d’engagement sont trop faibles pour éviter une augmentation de 2 degrés. Nous le savions en fait quelques semaines après les engagements pris à Copenhague en raison des chiffres du GIEC. Ce que nous devons éviter toutefois, c’est d’abandonner l’action politique. La science ne bougera pas. Les technologies pour résoudre le problème sont à notre portée. Nous devons empêcher nos « leaders » politiques de se défiler.
Il est temps de rehausser les attentes que nous avons des politiciens en les obligeant à s’y conformer. Nous leur donnons le pouvoir d’être si peu utiles. Il est temps d’exiger — par nos votes, nos manifestations, nos marches, nos pétitions et notre pression sans relâche – qu’ils remplissent leurs promesses.
Les activistes environnementaux doivent continuer à exiger que l’augmentation de la température demeure en dessous de 2 degrés. Tout en maintenant nos exigences, nous pouvons et nous devons être lucides à propos des engagements actuels que nous dépasserons de 2 degrés. Notre action doit donc être urgente, plus directe et moins polie.
Ce que nous ne devons surtout pas abandonner d’un simple haussement d’épaules, c’est notre avenir et celui de nos enfants.