C’est dans l’air. Le sentiment de la défaite imminente, les séances de photo faussement victorieuses et la répression d’une manifestation qui rendait tous les policiers extrêmement nerveux. Ce matin, la police ratissait les rues et demandait à tous les jeunes de produire leurs pièces d’identité. À 6 h 30, à l’extérieur de la station de métro. À des kilomètres du Bella Centre.
Au Bella Centre, de nouvelles barrières ont été érigées, la sécurité a été renforcée et des hélicoptères survolent la place dans la noirceur glaciale qui précède l’aube. Je suis contente d’être aarrivée au Bella Centre avant 7 h. Nous avons pris le métro et (comme d’habitude) avons rejoint la file interminable dans le froid et la bruine. Mais nous avons eu beaucoup de chance et nous sommes entrées à 8h. Ceux qui ont pris le métro à peine quelques minutes plus tard n’ont pas eu cette chance. Un arrêt avant le Bella Centre, nous avons appris que dorénavant, pour mieux contrôler la foule, le métro ne s’arrêterait plus au Bella Centre.
En plus de restreindre les ONG avec des cartes blanches spéciales, il faut désormais porter une carte rouge pour accéder à la plénière. Les délégations gouvernementales n’obtiennent que 4 laissez-passer pour la plénière -- de couleur argent. C’est la confusion totale.
J’ai réussi à assister à la séance d’information du gouvernement du canada… un résumé plus sombre que jamais sur notre non-coopération, livré sur un ton soporifique. J’ai demandé à notre négociateur en chef à quel moment j’aurais l’occasion de remettre au ministre de l’Environnement Jim Prentice ou au premier ministre, en mains propres, les centaines de messages personnels des Canadiennes et des Canadiens (essentiellement du sud de l’île de Vancouver et de la Nouvelle‑Écosse et ceux ayant participé à nos événements « compte à rebours pour Copenhague »). Il m’a suggéré de lui faire confiance pour les livrer. D’accord, mais je ne lui fais pas confiance.
Une des nombreuses représentantes jeunesse, ma bonne amie Rosa Kouri, a voulu savoir quelles étaient les cibles canadiennes en termes de parties par million. Il a répondu que cela n’avait pas changé et qu’il avait déjà répondu à cette question. Je lui ai donc demandé deux choses – de répondre à la question de Rosa, et si oui ou non le Canada était prêt à accepter des pénalités pour avoir enfreint le Protocole de Kyoto dès la première période d’engagement.
Aucune réponse à la deuxième question. Quant à la première question, il a répondu « nous avons accepté, en signant la déclaration du G8, un hausse de 2 degrés », affirmant que cela correspondait à 450 parties par million. Je lui ai demandé s’il avait informé le premier ministre et le ministre Prentice qu’il serait désormais impossible d’éviter une hausse de 3 degrés Celsius si les émissions de GES continuaient d’augmenter -- comme l’avait confirmé M. Pachauri -- et que pour éviter le réchauffement climatique galopant, il faudrait à tout prix que les émissions de toute la planète atteignent leur sommet et commencent à redescendre au plus tard en 2015. Bien entendu, nos cibles (même avant de les édulcorer au nom du développement dans les sables bitumineux) feraient exactement le contraire en favorisant l’augmentation des taux de GES… pas de réponse.
La plénière est un véritable cauchemar. Les rapports sur le texte du Protocole de Kyoto et la présidence du groupe de travail admettent qu’aucun accord n’est possible. Le Brésil devait prendre la parole, mais un délégué a déclaré que leur chef n’avait pas réussi à passer la sécurité. Il était très en colère. La présidente Connie Hedegaard a répondu qu’ils s’en occuperaient immédiatement. L’Inde a pris la parole, tout aussi en colère que le Brésil, déclarant que le traitement que leur réservait la sécurité était inacceptable.
Tuvalu a également exprimé sa déception. Ces négociations sont comme le Titanic. Nous sommes en train de couler. L’heure est grave et il nous reste très peu de temps pour lancer les canots de sauvetage, mais nous demeurons les bras croisés parce qu’un membre de l’équipage a décidé que le bateau ne coulait pas. Ces négociations doivent être secourues et il faut jeter les canots de sauvetage à la mer. Maintenant. Nous devons sauver ces négociations et poursuivre nos efforts.
Pendant ce temps, les membres de la délégation canadienne s’attendent à ce que la séance de travail soit très brève avant de parvenir à un accord. En fait, ils s’attendent à rentrer à la maison vendredi. Ça augure très mal…