L’année dernière, j’ai écrit un billet sur le même thème. J’ai été étonnée de découvrir que les conservateurs de Harper se servaient sans vergogne de la Loi d’exécution du budget de 2009 pour donner le coup de grâce à la Loi sur la protection des eaux navigables, la pierre angulaire de la législation environnementale depuis 1867. Malheureusement, le gouvernement conservateur venait de décider qu’une définition objective de « navigable » pouvait facilement être remplacée par « ce que le ministre des Transports estime être la bonne définition. »
Malgré l’opposition farouche d’une poignée de sénateurs (d’anciens progressistes-conservateurs, pour la plupart), la Loi d’exécution du budget de 2009 a été adoptée… et l’environnement a encaissé le coup sous prétexte d’introduire une mesure budgétaire.
C’est encore pire cette année. En effet, il semblerait que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (LCEE) donne beaucoup de fil à retordre au gouvernement Harper. D’abord, le libellé du budget (tel que rapporté) comprenait une manœuvre sans précédent qui retirait tous les projets de production d’énergie précédemment régis par l’Agence canadienne d'évaluation environnementale (ACEE) pour placer les évaluations environnementales entre les mains de l’Office national de l'énergie (ONE) et de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN). Maintenant que certains détails sur la Loi d’exécution du budget de 2010 ont été rendus publics, vous aurez deviné que c’est encore pire que ce à quoi l’on aurait pu s’attendre.
Il ne fait aucun doute que ces nouveaux amendements ont été proposés pour contourner les conséquences de la décision rendue récemment par la Cour suprême du Canada dans l’affaire concernant la mine de cuivre et d'or Red Chris, en Colombie Britannique. En janvier, la Cour affirmait que le ministre de l’Environnement avait manqué à ses obligations légales en vertu de la LCEE en énumérant les aspects du projet qui devaient faire l’objet d’une évaluation environnementale (c.-à-d. l’établissement de la portée des incidences) de manière à exclure de l’évaluation tous les aspects dommageables du projet. La Loi d’exécution du budget de 2010 signifie que l’établissement de la portée des incidences sera dorénavant laissé à l’entière discrétion du ministre. Vous envisagez un mégaprojet minier? Pas de problème, l’évaluation sera très sommaire.
C’est un dur coup pour l’évaluation environnementale. La nouvelle Loi élimine également l’obligation pour les projets normalement assujettis à une « étude approfondie » de tenir des consultations publiques. Dorénavant, ladite « étude approfondie » s’appliquera uniquement aux mégaprojets susceptibles de causer des dégâts à l’environnement, ce qui contrevient directement à l’esprit de la LCEE. En outre, elle soustrait à la Loi tous les projets financés par le biais de transferts de fonds aux administrations municipales et des Premières nations pour les projets d’infrastructure.
Comble de l’ironie : en mai, le Parlement procédera à l’examen parlementaire obligatoire de la LCEE. L’Agence et les parlementaires se préparaient tranquillement à des audiences à la Chambre des communes.
Ainsi, pour ajouter l’insulte à l’injure environnementale, cette dernière intrusion du gouvernement fédéral dans le domaine du droit environnemental illustre une fois encore la profondeur du mépris que le gouvernement conservateur nourrit à l’égard du Parlement.
En camouflant ces amendements régressifs dans la Loi d’exécution du budget de 2010, le gouvernement fait le pari que les partis de l’opposition surmonteront leurs réticences et l’adopteront sans autre débat. J'espère que, pour une fois, ils sauront se tenir debout et crier haut et fort leurs réticences… l’heure est venue de prendre la parole pour défendre le maigre registre de lois de protection de l’environnement qu’il nous reste.
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Quand le budget devient un « bulldozer » : prise deux
Elizabeth May
08 avril 2010